Le DSI se laissera-t-il étourdir?

jeudi 2 juillet 2009

Mais qu'est ce qui peut bien guider l'imaginaire des informaticiens de laboratoire en cette fin de décennie? Nous parlons ici de ceux qui conçoivent et tracent les lignes des évolutions majeures, et non de ceux qui doivent tout mettre en œuvre pour que l'évolution soit contrôlée et non subie. A peine entrés dans la société du web 2.0,  voilà les Directeurs des Systèmes d'Information (1) déjà projetés dans l'au-delà dont ils ne savent même pas s'il s'agit du 3.0! Absorbés par la déferlante « virtualisation » qui progresse à pas de géant, les DSI sont contraints de mettre le cap sur les architectures orientées service.
Avec notre regard de sémioticien, nous allons nous attarder sur les phénomènes que renferme cet environnement organisationnel, dont on nous dit qu'il est « dans les nuages », pour essayer de comprendre l'articulation qui régit l'équilibre entre la terminologie et les effets induits du « Cloud Computing ».
En inventant le pragmatisme ou plus exactement le pragmaticisme, comme il  le définissait, Charles Sanders PEIRCE nous a légué le devoir de nous préoccuper des effets produits par tout phénomène, nous parlons de signe. Sa fameuse maxime (2) reste d'ailleurs fort bien complexe à interpréter mais nos recherches antérieures (3) nous ont permis d'en clarifier le périmètre. Inspiré de KANT et des catégories philosophiques, PEIRCE définissait les trois modes d'être correspondant aux trois moments phénoménologiques : dans la priméité, il classait tout ce qui relève des qualités de sentiments ;   dans la secondéité, tous les faits et existants ; dans la tiercéité ce qui relève de la loi sociale, ce qui est institutionnalisé.
Pour tenter de comprendre, ce à quoi les DSI sont confrontés,  arrêtons-nous un instant sur la virtualisation des systèmes  informatiques et observons cet environnement ou plus modestement ce qu'il représente.
Ce qui est virtuel, selon l'usage lexical (4) hérité du grec, est tout ce qui produit un effet par sa puissance mais qui n'a pas d'existence matérielle. Nous avançons là une définition synthétique sur la base de ce que d'autres avant nous ont écrit et qui s'applique au contexte informatique. Dès lors, le virtuel n'est pas dans le domaine du réel, alors qu'on parle couramment de réalité virtuelle... La virtualisation serait donc la transformation d'un existant actif en un dispositif qui produit les mêmes effets alors qu'il n'a plus son existence matérielle. Nous voilà bien embarrassés, car du coup le virtuel n'est plus catégorisable au sens des trois catégories phénoménologiques et ceci n'est pas possible d'un point de vue sémiotique puisqu'on échapperait à tout mode d'être.
Le virtuel n'existe donc pas mais malgré tout il produirait des effets...
Rappelons que la sémiotique est l'autre nom de la logique et que le champ de l'irrationnel n'y trouve pas sa place. Qu'observe-t-on? Un DSI désireux de virtualiser un parc de serveurs, poussé qu'il l'aurait été par une grande firme vendeuse de virtualisation ou pas, doit initier son projet en partant du matériel, pour aboutir à.... un autre matériel. En effet, sans entrer dans le détail technique, une architecture virtualisée repose sur une infrastructure matérielle, souvent bien plus dimensionnée qu'à l'origine notamment du fait des contraintes techniques et sécuritaires imposées par la virtualisation (5). La transformation ne se situe donc pas au niveau matériel mais bel et bien au niveau logiciel. Ceci nous rassure, la virtualisation relève de la secondéité, la catégorie des faits et existants.
C'est donc le niveau logique qui est impacté, à qui on applique le fameux f(x) qui transforme un applicatif en service par la technique de l'imagerie binaire. En effet, une machine devient virtuelle lorsqu'elle est transformée en un macro-système encapsulé dans une image logique dans laquelle on intègre un ou des applicatifs, l'image en question étant hébergée  sur une machine physique pouvant  supporter plusieurs autres images et localisée n'importe où, pourvu qu'elle puisse être atteinte à travers un réseau. Elle devient en cela un service distribué, c'est en gros ce que les contemporains ont intitulé l'architecture orientée service dénommée par les fameux sigles de la forme xaas (6) où aas signifie « as a service ».
Notons au passage qu'il  n'échappe plus à personne ce besoin ou plutôt cette nécessité qu'éprouvent les marchands de « produits » informatiques de donner au logique une allure d'existant. La fameuse boîte d'emballage en est la meilleure preuve, celle qui illustre la représentation d'un logiciel  dont l'acquisition se fait pourtant la plupart du temps exclusivement par téléchargement mais auquel il a fallu donner une image de boîte pour renvoyer à un produit, à l'instar d'une boîte de petits pois ou de lessive, l'inexistant étant difficilement vendable. Il s'agit du processus inverse à celui de la virtualisation :  «l'existentiation » (7)
 D'un point de vue sémiotique nous sommes en présence d'un signe à la fois symbolique et indexical imposé. Cette approche nous renvoie à la violence symbolique de Bourdieu. (8)
Il est imposé car il entre très haut dans le  cheminement à travers le treillis des classes de signes qui trace le parcours cognitif, chemin d'accès à la connaissance qui part de la perception pour aboutir à l'argumentation par un jeu d'inférences successives. Le consommateur, par la perception de cette image, affectera la notion de produit au logiciel en question, ce qui en fait la première étape de valorisation inconsciente.
Revenons au DSI qui se voit confronté à la pression des offres de services répartis alors qu'il n'a pas encore digéré la virtualisation. Mais où doit-il donner de la tête?
Eh bien justement, la réponse est dans l'intitulé du « Cloud Computing ». L'informatique dans les nuages, pour reprendre le terme introduit dans la langue française, fait naître le DSI dans les nuages! On pourrait y voir une plaisanterie mais la chose est très sérieuse.
Souvenons-nous du traité européen qui instaura l'ouverture des frontières et la libre circulation intracommunautaire des biens et des services et mesurons le chemin parcouru et les effets induits par la mesure. Le Cloud Computing génère le même phénomène mais à l'échelle planétaire et à la différence de l'Union Européenne, il n'y a pas de police aux frontières sur l'internet.
Cette traduction mot pour mot qui nous donne « l'informatique dans les nuages » a-t-elle été bien  réfléchie?
L'expression « dans les nuages » est couramment utilisée dans la langue française, on l'associe le plus souvent à « avoir la tête dans les nuages » ou encore on la rapproche de « être dans la lune ». Tout ceci qualifie simplement l'individu dont il est question d'étourdi. Le DSI dans les nuages, par extension, serait alors un DSI étourdi (9)? Il faut certainement considérer le vocable dans sa polysémie. Il pourrait être étourdi au sens où le phénomène serait étourdissant, ou bien encore étourdi, au sens où il manquerait de vigilance. Comment a-t-on pu en arriver à une telle expression, par quelle malheureuse association se retrouve-ton dans les nuages? L'architecture applicative distribuée, considérée désormais exclusivement sous forme de service, repose sur des interconnexions de réseaux dont le plus fameux exemple est l'internet. Jusqu'alors, un directeur informatique était le manager d'une infrastructure matérielle et logicielle dont son entreprise était « propriétaire ». Or, l'internet n'appartient à personne, il n'a pas de définition juridique dans sa globalité (10), même si les acteurs majeurs sont clairement identifiés, et personne ne peut espérer obtenir une garantie de fonctionnement de bout en bout. L'internet est une nébuleuse (11), c'est d'ailleurs souvent sous la forme d'un nuage qu'il est représenté sur les schémas d'architecture informatique. L'expression « dans les nuages » vient très certainement de là. Rien de bien surprenant quand on sait que  les constructions sémantiques viennent souvent de la métaphore dans le domaine de l'informatique.

Dès lors, il semble que passer de la gestion d'une propriété à la gestion d'un environnement non maîtrisé implique nombre d'adaptations pour permettre aux DSI d'apporter des réponses aux questions qu'ils doivent se poser dans ce nouveau contexte. Comment garantir une qualité de service dans un environnement où le transport de données n'est pas contractualisé de bout en bout?  Comment imposer des contraintes à des fournisseurs positionnés en deuxième ligne? Comment rétablir un service lorsqu'on n'a pas d'interlocuteur direct? Comment gérer la sous-traitance dans le cas d'un hébergement délocalisé?  Comment se prémunir du vol d'images de serveurs ou de leur mise au rebut en cas de changement d'hébergeur? Ou tout simplement comment conserver du crédit auprès de la Direction Générale en cas d'impossibilité de réactivité face à la demande métier? etc.
Cette expertise technico-managériale du DSI qui lui permet d'y voir clair grâce à la maîtrise de son environnement ne va-t-elle pas devoir s'orienter vers plus de compétences juridiques et moins d'implication technique, pour lui mais également pour ses équipes, au risque de conduire à un appauvrissement des compétences?

Pour y voir clair, le DSI devra explorer l'ensemble de l'environnement à travers les nuages, un peu comme le ferait un astronome à l'aide de son télescope. La cartographie du système d'information va-t-elle  ressembler à la carte de la voie lactée? D'aucuns diront que c'est dans une certaine mesure déjà le cas dans les grandes organisations,  mais la nouveauté se situe dans la fonction  d'architecte des systèmes d'information du DSI. En somme, l'écran de l'utilisateur doit rester le même, son environnement de travail ne doit pas être dégradé du fait de la spacialisation des systèmes qui se trouvent désarticulés en rapport à l'architecture traditionnelle locale. Les objets des signes sont  découpés en morceaux logiques désormais domiciliés dans des espaces abstraits définis par des considérations en tous genres, le plus souvent logico-financières. L'agencement du poste de travail dans les nuages consiste à regrouper des pièces d'un puzzle provenant de diverses tiroirs définis par des catégories logiques. Il est laissé à la charge du DSI une entreprise de reconstruction qui comprend le risque de perdre le sens qui découlait antérieurement de l'unité de l'objet. L'enjeu repose sur une gestion nouvelle des connecteurs applicatifs qui simulent l'apparence d'unité de  représentation à l'écran.
Toutefois, l'éloignement des morceaux logiques, considéré non pas du point de vue géographique mais du point de vue fonctionnel, devient un paramètre fort et d'un genre nouveau.
Nous ne posons pas ici le problème en termes techniques, les experts s'en chargent par ailleurs, mais il est clair que la problématique de la disponibilité des débits sur les réseaux d'interconnexion va jouer un rôle majeur dans cette expédition de la Terre vers les nuages. La prochaine étape, sera peut-être qualifiée de 2.5 et verra des DSI en charge d'une partie de leur activité dans les nuages alors qu'une autre, difficilement externalisable, restera à proximité immédiate.

Pas d'inquiétude! Le DSI aura peut-être la tête dans les nuages mais sa qualité première sera d'être vigilant et il y aura peu de place pour les étourdis. Il reste toutefois  à observer si à terme la pratique de l'informatique dans les nuages ne réservera pas des épisodes d'étourdissement...



1 DSI, l'acronyme déèssi est couramment employé pour désigner les responsable des services informatiques des entreprises.
2 « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l'objet. » C.S. Peirce 1903 -CP 5.18
3 Le groupe de recherche sémiocom de l'université de Perpignan a publié de nombreux écrits entre 2000 et 2005 sur le sujet.
4 Selon Denis Berthier « Est virtuel ce qui sans être réel a avec force et de manière pleinement actuelle (c-à-d non potentielle) les qualités (propriétés, qualia) du réel.
5 Des nécessités apparaissent : redondance des équipements et des systèmes, multi-localisation des informations, instauration de procédés automatisés de reprise d'activité, etc.
6 le Software as a Service (SaaS) est un concept qui consiste à fournir des applications informatiques en ligne à travers le Web et non pas en hébergement local.
7 N'ayons pas peur d'avancer un néologisme!
8 Pour Pierre Bourdieu, la violence symbolique est ce pouvoir d'imposer des significations, de « constituer le donné par l'énonciation ».
9 Etourdi : (1) qui agit sans réflexion (2) frappé soudainement d’une commotion cérébrale qui suspend la fonction des sens.
10 Comme un opérateur de télécommunication en a une.
11 Nous prenons quelque risque dans cette assertion, car selon le dictionnaire de la langue Française, est nébuleux ce qui est obscurci par les nuages.

Avatar, le film : analogie du Web 2.0.

Le mois de décembre 2009 aura été marqué par la sortie du film « Avatar » réalisé par le canadien James Cameron. Nous allons nous intéresser ci-après à travers cette production cinématographique aux variations de mise en œuvre du processus sémiotique et voir comment « Avatar » renvoie à la problématique des réseaux sociaux sur le Web 2.0.

Rappelons en préalable que la signification est l'effet produit pas un signe considéré en tant que processus dynamique qui conduit à la connaissance à l'issue d'un parcours cognitif constitué de cinq chemins possibles correspondant à des inférences mentales successives menées par tout individu en situation d'interprétation. Ces inférences ont pour issue la stabilisation du processus mental dans une forme de signe aboutie, définie par l'une des dix classes de signes possibles. Ce parcours cognitif est effectué en fonction de l'acquis antérieur de l'individu qui interprète le signe, son habitus social1.

Selon l'auteur du film, interrogé d'innombrables fois sur le sujet2, le script aurait été écrit quatorze ans avant la première projection en salle, soit aux alentours de 1995. L'histoire quant à elle se déroule en 2154, ce qui en ferait donc un film de science fiction, dans le cas d'espèce, relevant d'un genre nouveau par sa construction innovante en trois dimensions, il pourrait même être classé dans la catégorie « techno-science fiction »3.

Pour conduire notre analyse, nous prenons comme base de départ une constat simple : l'humanité est composée de forces sociales qui s'opposent en permanence et pour faire un bref raccourci, à la puissance institutionnelle, se sont toujours opposés les réseaux sociaux créant ainsi un certain équilibre, ou pour le moins une répartition des forces et des pouvoirs. Ceci remonte très loin dans le temps et est observé depuis que l'humanité s'est dotée d'une puissance institutionnelle.

Nous allons donc essayer de voir comment l'analogie, qui est certainement le procédé auquel on a recours le plus basiquement dans la cognition, influe de manière importante sur la signification. Pour cela souvenons-nous que Charles Sanders Peirce évoquait la notion de « ground » que nous considérons comme le socle du champ d'interprétants convoqué lors de l'enquête cognitive, ce que nous pourrions vulgariser par « l'angle de visée » ou encore le « point de vue. Ce point de vue conditionne évidemment la signification dans la mesure où toute inférence se produit en partie par analogie. On compare en effet le signe perçu, celui qui représente4 à un signe connu, celui qui est interprétant. Cette analogie s'opère donc de manière large mais si elle est opérée en ne considérant que les signes interprétants d'un sous-domaine circonscrit, le « ground », elle nous conduit à un résultat interprétatif dont les inférences sont fondées sur un point de vue spécialisé.
Concernant le scénario du film « Avatar » de nombreuses visions ont été avancées. Nous allons voir qu'une signification peut en être produite, qui est très lointaine de ce que tous les critiques et autres analystes ont pu écrire et publier.
Attachons-nous donc à décortiquer5 les caractéristiques de chaque élément du film et allons rechercher nos acquis antérieurs dans le champ d'interprétants qui serait celui d'une personne avisée des phénomènes de la société numérique pour inférer jusqu'à produire la signification du scénario « d' Avatar ».

En d'autres termes examinons la situation par la lorgnette de la société numérique.

L'histoire du film se passe dans un monde lointain de la civilisation traditionnelle. L'auteur a choisi de représenter ce monde sous la forme d'une planète et plus particulièrement d'une forêt dénommée Pandora. Pandora est constituée d'un maillage « d'arbres-maisons» reliés entre-eux par des branches ou sortes de lianes horizontales sur lesquelles naviguent les autochtones. Au pied de chaque arbre-maison vit un clan socialement organisé. Le script nous apprend que la forêt est constituée de dix puissance douze arbres et que chaque arbre dispose de dix puissance quatre connexions avec les autres arbres.
Sans aller plus loin nous établissons une analogie avec l'Internet et plus particulièrement avec le Web 2.0, également organisé sous une forme réticulaire, avec à chaque nœud un support de réseau social dont les interconnexions sont les hyperliens. Les arbres-maison seraient alors les Facebook, Msn, Skyrock, Myspace, Tweeter, etc. et les clans correspondraient aux groupes organisés en réseaux sociaux en ligne tels qu'on les connait sur Facebook par exemple.

Dans le film, les autochtones s'appèlent les « Navi », nous n'oserons pas pousser jusqu'au rapprochement avec le Navigateur Web... et ils parlent un langage incompréhensible de l'humain lambda, à tel point que le film est sous-titré lorsqu'ils s'expriment.
Notons que sur le Web 2.0, les internautes manipulent également un langage, celui hérité du SMS6. Voilà pour le décor local.

Toujours dans le film, une organisation composée de militaires et de chercheurs scientifiques, avec à leur tête le Colonel Miles Quaritch et le Docteur Grace Augustine, se préoccupent de Pandora et plus précisément d'un minerai à forte valeur, l'« Unobtainium », présent sous les « arbres-maisons ».
Nous établissons ici deux autres analogies : avec la puissance publique, étatique, institutionnalisée d'abord et ensuite, concernant le minerai, avec l'immense potentiel qui se trouve sous les réseaux sociaux en ligne : potentiel humain, électif, commercial, prospectif, etc dont le calcul de la valeur a longtemps été indexé sur le cours d'un autre minerai : l'or.
Le décor se précise : nous avons d'un côté une organisation sociale qui vit tranquille sans aucune autre contrainte que la limite de la structuration numérique (les internautes) et d'un autre côté la puissance publique cherchant à capter le potentiel et à préserver ses propres enjeux.

Dans le film, pour accéder et prendre vie sur Pandora au milieu des « Navi », les humains ont besoin de se fabriquer un avatar qu'ils obtiennent grâce à un dispositif de clonage, puis de se projeter vers Pandora au moyen d'un mystérieux procédé de téléportation et enfin de se connecter avec la communauté en raccordant leur queue de cheval à une sorte de trompe dont disposent les créatures vivant sur Pandora.

Sans trop de difficulté nous établissons là encore l'analogie : l'internaute du Web 2.0. se choisit un avatar avec lequel il va se téléporter sur l'Internet grâce à sa liaison ADSL pour enfin se connecter avec son pseudo et son mot de passe sur le réseau social.

Sur Pandora, les autochtones se déplacent en enfourchant des créatures dont les modèles évoluent au fil du déroulement du scénario, ressemblant d'abord à des chevaux puis à des sortes de dragons volants. La tentation est grande de rapprocher ces créatures des terminaux numériques qui évoluent sans cesse et qui permettent aux internautes de naviguer sur le web 2.0.

On voit dans le film comment l'acteur principal Jake Sully, un jeune ancien militaire devenu paraplégique, verse dans le monde des « Navi » à travers son avatar au point même de tomber amoureux de la sulfureuse Navi baptisée par l'auteur « Neytiri ».
Là encore, l'analogie avec le phénomène « second life » paraît peu risquée et le choix de l'auteur dans la construction du nom « Neytiri » nous pousse à l'apparenter sans difficulté à un pseudo.

A ce stade, le contexte dans lequel se déroule l'histoire se dessine de manière assez précise.

Abordons désormais l'intrigue du film. Nous relevons un scénario assez simple en quatre temps. Dans un premier temps on assiste à l'arrivée sur Pandora de Jake Sully rejoignant la délégation de la puissance publique sur place et missionné pour infiltrer les « Navi » en vue de piller les réserves d' « Unobtainium » . Dans un deuxième temps on voit comment son avatar est construit et comment il accède à Pandora par de nombreux aller-retour et comment son addiction se développe. Dans le troisième temps on assiste à un premier assaut de la puissance étatique sur Pandora qui se solde par une extraordinaire résistance des « Navi » et enfin dans un quatrième temps un deuxième assaut bien plus puissant que le premier met à feu et à sac Pandora et se solde par une éclatante victoire des Navi qui prennent véritablement le pas sur la situation.

Nous pouvons encore raccrocher le fil de ce scénario à notre champ d'interprétant par simple analogie.

Dans le premier temps, les pouvoirs publics et centres de recherches mettent au point un ensemble de dispositifs pour s'attaquer au Web 2.0. qui de toute évidence devient une zone de non respect du droit et dont la maîtrise échappe à l'institution. Poussés par les majors de l'industrie du disque et du film d'une part, soucieux d'enrailler les différents trafics d'autre part et de protéger les individus par ailleurs, les États se dotent de services de surveillance pour infiltrer les réseaux en vue d'y faire appliquer le droit. Pour ne prendre que le cas de la France, la Gendarmerie Nationale dispose par exemple d'une brigade Internet désormais très active avec des gendarmes qui ressemblent curieusement à Jake Sully.
Dans le deuxième temps, les services passent à l'action et infiltrent les réseaux. Les services spécialisés sont aujourd'hui très actifs et après de très nombreux aller-retour sur la toile fournissent de précieux éléments aux pouvoirs Étatiques. L'analogie avec le film est encore assez directe.
Dans le troisième temps, l'échelon législatif tente de faire interdire le téléchargement illégal. Cet épisode vécu au milieu des années 2000 qui a permis de faire fermer les deux principaux réseaux de « peer-to-peer » a eu pour conséquence un accroissement extraordinaire du téléchargement et la mise au point de multiples services de téléchargement en direct échappant très majoritairement à toute surveillance faute de moyens appropriés et suffisamment dimensionnés des États.
Le quatrième temps semble de toute évidence pouvoir être mis en corrélation avec les lois régissant les droits d'auteurs et de diffusion sur l'internet. Pour la France, la loi HADOPI.
Dans le film on assiste à un assaut extraordinairement destructif. Les « arbres-maison » sont en feu, mais de leurs cendres renaissent avec encore plus de force des résistances chez les « Navi ». Ces « Navi » qui s'en sortent grâce aux créatures volantes bleues que l'on pourrait par analogie rapprocher des opérateurs du Web: Yahoo, Msn, et bien d'autres mais aussi bien entendu et surtout, Google.
On voit à la fin du film une scène assez intéressante, où pour se sortir de la situation Jake Sully doit capturer et dompter le dragon rouge. Il y parvient en exploitant une faille : étant l'écrasant leader, voire l'unique prédateur, il n'est jamais venu à l'idée de cette créature qu'elle pourrait être inquiétée et n'a donc jamais regardé plus haut. Si nous osions pousser l'analogie nous dirions qu'il s'agit là de Google.
Jake Sully s'en sortirait donc grâce à Google mais on le voit dans la dernière séquence relâcher le dragon rouge et on l'entend dire que les « Navi » n'ont désormais plus besoin de lui.

En conclusion, en fondant nos inférences sur le « ground » de la société numérique et en limitant notre stratégie cognitive au procédé analogique, le fil du scénario du film « Avatar » produirait le sens suivant : l'institution publique met en place un dispositif spécialisé pour la lutte contre les activités illégales des internautes sur les réseaux sociaux du Web 2.0. Pour parvenir à ses fins elle infiltre les groupes en dissimulant ses agents derrière des avatars et initie deux tentatives d'interdiction opérées en force. La réaction des internautes qui opposent la puissance réticulaire à la verticalité de l'organisation étatique fait échouer l'institution publique qui rend les armes. Devenus suffisamment organisés, les internautes qui ont construit leurs réseaux au départ grâce à l'action de l'acteur majeur de l'internet peuvent continuer à évoluer en se dispensant de lui et vivre tranquille dans leur environnement numérique.

Il sera intéressant de voir comment finira le Web 2.0 dans la réalité...


1Nous devons la théorie du signe triadique à Charles Sanders Peirce, logicien considéré comme le plus grand philosophe de tous les temps.
2Voir wikipedia à la page James_Cameron
3Si le terme n'existe pas, n'ayons pas de crainte à avancer le néologisme.
4Dans un autre champ épistémologique on parle de signifiant
5Peirce écrivait : «essayer de déchiffrer les signes et de descendre jusqu'au sens même, c'est comme essayer de peler un oignon ou de descendre jusqu'à l'oignon même ».
6Dont un des noms commerciaux est TEXTO
 

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